C’est la polémique qui a embarrassé le gouvernement ces derniers jours. Depuis la loi du 16 août 2022, en plus de les dépenser au restaurant, il était possible d’utiliser ses titres-restaurant pour faire ses courses en magasin (farine, pâtes, viande, etc.). Une mesure d’urgence qui avait été prise pour protéger le pouvoir d’achat des Français mis à mal, notamment depuis la crise sanitaire. Aujourd’hui utilisés par 5 millions de salariés, les titres-restaurant sont financés entre 50 % et 60 % par l’employeur, qui bénéficie en échange d’une exonération de cotisation de sécurité sociale.
Le gouvernement avait dans un premier temps envisagé de mettre fin de ce dispositif à la fin de l’année. Mais face à la bronca des parlementaires, la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, a fait machine arrière, mardi 14 novembre : “Ça va continuer tout au long de l’année 2024”, a-t-elle annoncé sur la chaîne de télévision M6.
Ces derniers jours, opposition et gouvernement s’étaient mutuellement rejeté la responsabilité d’une telle décision. Il s’agit d’une “mesure socialement dramatique pour des millions de Français pris à la gorge par l’inflation. Cette indifférence à la souffrance n’est plus acceptable”, s’est insurgée Marine Le Pen sur le réseau social X. Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne a dénoncé “un scandale financier et sanitaire”.
De son côté, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a dénoncé, mercredi, la position attentiste des sénateurs : “C’était une décision du Sénat de l’arrêter au 31 décembre et du gouvernement de le prolonger d’un an.”
Les restaurateurs dénoncent un dévoiement du titre-restaurant
Invité de la matinale de CNews, le ministre s’est même dit ouvert à l’évolution de la règlementation sur le titre-restaurant : “Est-ce qu’il ne faut pas utiliser le ticket-restaurant de manière plus globale pour l’achat des produits alimentaires ? Est-ce qu’il ne faut pas changer cette dénomination qui induit un peu en erreur ? Avec une seule obsession, que ça corresponde aux attentes des gens”, a-t-il déclaré.
Des déclarations qui ne passent pas chez les représentants de la restauration, qui dénoncent un dévoiement du titre-restaurant : “C’est une très belle séance de rétropédalage du gouvernement. Je pense qu’il faut arrêter d’appeler ça le titre-restaurant, parce que c’est un titre-inflation […]. Restaurant, c’est pour aller au restaurant, pas pour faire ses courses […]. Les restaurateurs ne sont pas une variable d’ajustement”, a critiqué ce matin sur France info Franck Devaux, président de l’UMIH Île-de-France. Selon le syndicat des métiers de l’hôtellerie, “seuls 4 % des titres-restaurant sont utilisés au restaurant” aujourd’hui.
Marqueur de l’inflation
Pour le président du cabinet Gira conseil, Bernard Boutboul, expert de la consommation contacté par France 24, “le titre-restaurant est devenu un marqueur de l’inflation depuis un an et demi, et on en a complètement détourné le sens initial”. Depuis la crise du Covid-19 et la hausse des coûts de l’énergie, les Français sont confrontés à une forte inflation alimentaire.
Selon l’Insee, celle-ci atteint 8 % sur un an en octobre : “Certes, la vitesse d’inflation ralentit, mais la hausse des prix reste très haute”, nuance Bernard Boutboul. L’inflation sur les fruits frais et le poisson a même accéléré en octobre. Et le spécialiste de la consommation n’est pas très optimiste pour les mois à venir : “Avec les inondations dans le Pas-de-Calais, les récoltes vont être mauvaises”, estime-t-il.
Trois sénatrices LR ont annoncé sur le réseau social X avoir déposé mercredi une proposition de loi au Sénat pour prolonger l’utilisation des titres-restaurant sur les produits alimentaires en 2024. Les titres-restaurant sont utilisés aujourd’hui par plus de 5 millions de salariés pour régler des repas ou des prestations alimentaires auprès de quelque 234 000 commerçants agréés.