L’Union européenne se prépare à soutenir massivement ses industriels face à la flambée des prix de l’énergie et pour contrer les aides d’État chinoises et américaines. Un moyen pour les pays membres de rester compétitifs et d’éviter de voir les projets se monter ailleurs que sur le sol européen. L’argent européen devrait toutefois se limiter à la réutilisation de fonds existants et non à la création de nouveaux financements, du moins à court terme.
Agir conjointement pour rester compétitifs face aux États-Unis et à la Chine : tel est l’objectif des pays de l’Union européenne. Car les subventions des États américains (avec l‘Inflation Reduction Act) et chinois sont abondantes et le coût de l’énergie y est moindre que sur le Vieux Continent, incitant les industriels à y investir. Un sujet de préoccupation côté européen encore évoqué ce lundi 16 janvier par le ministre de l’Économie français.
Bruno Le Maire a réclamé une « nouvelle donne » en matière de politique industrielle, plaidant pour des aides d’État « beaucoup plus massives » dans les technologies vertes. Tout en soulignant l’importance de mesures « très rapides ». Il a notamment demandé « un choc de simplification » afin d’accélérer les procédures, de nouvelles subventions et crédits d’impôts dans les secteurs de l’hydrogène, les batteries électriques, les panneaux solaires ou les semi-conducteurs, ainsi que la possibilité de favoriser les entreprises européennes dans les appels d’offre publics.
Une réponse européenne commune est justement en pourparlers. « Nous travaillons à l’adaptation des règles relatives aux aides d’État », a expliqué le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, soulignant que sa collègue à la Concurrence Margrethe Vestager avait contacté les États membres pour engager le débat. « Nous avons besoin d’une réponse européenne forte », a-t-elle écrit vendredi dans une lettre aux Vingt-Sept, tout en reconnaissant des risques pour le marché unique qui pourraient toutefois être compensés par des financements européens.
La création d’un fonds de souveraineté ne fait pas l’unanimité
Dans un premier temps, l’argent européen devrait se limiter à la réutilisation de fonds existants, reconnaissent des diplomates. « Nous devons créer des outils de financement crédibles et ambitieux », a expliqué Ursula von der Leyen la semaine dernière, indiquant travailler d’abord « à une évaluation des besoins ».
Si plusieurs pistes de financement sont évoquées, elles ne font pas toute l’unanimité. Particulièrement la création d’un « fonds de souveraineté pour les investissements dans des projets importants », plaidé notamment par Charles Michel, le président du Conseil européen, instance qui représente les 27 États membres, dans une tribune publiée dimanche. Cette idée, qui repose sur des financements mutualisés à l’échelle de l’UE, avait déjà été formulée par le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Elle se heurte toutefois à l’hostilité de nombreux pays membres, dont l’Allemagne, des contributeurs nets au budget européen inquiets de voir encore enfler leur facture.
La mise en place d’un financement commun prendra en tout cas du temps, a reconnu lundi soir le commissaire à l’Économie Paolo Gentiloni lors d’une conférence de presse. « Ce n’est pas pour demain », a-t-il déclaré.
Ne pas entrer en guerre commerciale avec les États-Unis
Reste que plusieurs États de l’UE redoutent une guerre commerciale avec les États-Unis et souhaitent privilégier les discussions en cours entre Bruxelles et Washington pour obtenir une prise en compte des intérêts européens. D’autres s’inquiètent que la course aux subventions dans l’UE profite aux pays les plus grands et les plus riches, comme l’Allemagne et la France. Ces deux pays ont représenté respectivement 53% et 24% des aides d’État notifiées à Bruxelles depuis que leur cadre a été assoupli afin de répondre à la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19.
« Je pense qu’il est important que nous respections le marché unique dans tous ses aspects. Les règles en matière d’aides d’État sont là pour garantir une concurrence loyale », a souligné lundi le ministre irlandais des Finances Michael McGrath. Malgré tout, « il y a un consensus en Europe sur le fait que les procédures relatives aux aides d’État doivent être plus rapides, plus simples et plus flexibles », a souligné Thierry Breton.
La question devrait être tranchée les 9 et 10 février prochains lors du Conseil européen. C’est lors de ce sommet que la Commission européenne listera une série de propositions pour justement contrer le risque de voir des entreprises délaisser l’Europe au profit des États-Unis. Devrait notamment être présenté un volet réglementaire, destiné à accélérer l’essor de la « green tech » (économie verte) européenne ainsi qu’un volet financier, afin que l’ensemble des États membres aient accès aux ressources nécessaires pour soutenir ce secteur. Côté français, ce rendez-vous doit être l’occasion d’envoyer « un signal aux entreprises pour les rassurer sur la détermination de l’UE à préserver et à renforcer l’attractivité du territoire européen ».
Source: La Tribune