Saturday, October 12, 2024
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Opération Réconciliation Entre la Grèce ET la Turquie à L’Occasion D’Une Visite D’Erdogan

C’est une visite rare qui montre l’importance du moment. Six ans après son dernier voyage en Grèce, le président turc Recep Tayyip Erdogan est en visite à Athènes, jeudi 7 décembre, pour “ouvrir un nouveau chapitre” dans les relations houleuses qu’entretiennent ces deux rivaux historiques et partenaires au sein de l’Otan.

Après s’être entretenu avec la présidente de la République, Katerina Sakellaropoulou, le chef de l’État turc a rencontré le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis. Les deux dirigeants ont tous deux affronté les urnes avec succès cette année.

“Ce sont deux hommes forts dont les oppositions respectives ne sont pas au mieux de leur forme. Ils ont les coudées un peu plus franches”, pour orchestrer ce rapprochement, analyse Didier Billion, spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). 

Avant sa venue, Recep Tayyip Erdogan a voulu tendre la main au Premier ministre grec. “Mon ami Kyriakos, nous ne te menaçons pas si tu ne nous menaces pas”, a-t-il lancé dans un long entretien accordé à l’un des principaux journaux grecs, I Kathimerini, à la veille de sa visite.

“Si les différends sont abordés par le dialogue et que l’on trouve un terrain d’entente, c’est pour le bénéfice de tous”, a-t-il insisté.

Ce déplacement du président turc en Grèce a pour objectif d’entériner la détente amorcée cet été après la rencontre entre les deux dirigeants en marge du sommet de l’Otan de Vilnius, en Lituanie. À cette occasion, la Grèce et la Turquie avaient convenu d’une nouvelle “feuille de route” pour leur relation bilatérale.

Au bord de l’affrontement en 2020

Ce réchauffement diplomatique intervient après des années de désaccords entre les deux voisins, dont la rivalité prend racine dans la période de domination exercée par l’Empire ottoman – dont la Turquie est l’héritière – jusqu’à l’indépendance de la Grèce en 1832.

Au cœur du différend gréco-turc : la délimitation des frontières en mer Egée et des zones d’exploitation maritimes. Des conflits territoriaux anciens qui ont connu un pic de tension en 2020 avec l’envoi par Ankara d’un bateau de prospection d’hydrocarbures accompagné de navires de guerre dans les eaux grecques.

L’année dernière encore, Recep Tayyip Erdogan proférait des menaces à peine voilées d’intervention militaire en accusant la Grèce d'”occuper” les îles de la mer Égée : “Nous pourrions arriver soudainement une nuit”, avait déclaré le président turc.

Mais la solidarité sans faille dont a fait preuve Athènes après le séisme qui a frappé le sud de la Turquie en février et tué au moins 50 000 personnes a changé la donne. Depuis, le ton s’est adouci, rendant à nouveau possible un dialogue au plus haut sommet de l’État.

Dans la foulée, les tensions ont baissé de plusieurs crans en l’espace de quelques mois : les flux de réfugiés en provenance de Turquie se sont réduits, les violations de l’espace aérien grec par des avions de chasse turcs, qui étaient monnaie courante, ont quasiment disparu. Quant au conflit en Méditerranée orientale, la hache de guerre semble avoir été enterrée.

Kyriakos Mitsotakis s’est dit fin septembre prêt à “trouver une solution sur la base du droit international” tout en rappelant “les grands différends territoriaux” qui existent entre les deux pays.

“Il est important que les désaccords ne débouchent pas sur des crises”, a également insisté le porte-parole du gouvernement, Pavlos Marinakis, sur la chaîne publique ERT, et que “chaque occasion pour le dialogue, comme celle, très importante, du 7 décembre, nous conduise à avancer”.

Pour Antonia Zervaki, professeure de relations internationales à l’université d’Athènes, “le dialogue est le seul outil pour trouver un moyen d’élaborer une feuille de route pour la délimitation des eaux en mer Égée”.

“Gagnant-gagnant”

Cependant, les questions qui fâchent – comme le statut de l’île de Chypre – sont mises de côté lors de ce déplacement express de cinq heures. La première étape du rapprochement gréco-turc doit permettre d’avancer sur un agenda consensuel avec une série d’accords bilatéraux en matière de tourisme, d’économie, de santé, d’éducation, d’agriculture et de migrations.

La visite du président Erdogan marque une volonté de stabiliser ses relations avec ses voisins dans un contexte géopolitique troublé. En se rapprochant de la Grèce, Erdogan donne aussi des gages aux Européens, qui lui reprochent ses positions farouchement anti-Israël ou encore son soutien à l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.

À la veille de cette visite en Grèce, l’eurodéputé espagnol Nacho Sanchez Amor, rapporteur sur la Turquie au Parlement européen, a mis en garde Ankara. “Éviter d’utiliser un ton agressif et menaçant est facile, à effet immédiat et gratuit. (…) Vous êtes entièrement isolé. Votre seul réel ami est l’Azerbaïdjan”, a déclaré le responsable européen lors d’une conférence de presse organisée à Istanbul.

“Au vu de sa situation géopolitique et géographique compliquée, la Turquie a de multiples dossiers à gérer. Certains accusent Erdogan de faire preuve de duplicité mais depuis plusieurs années, il ne fait pas beaucoup de faux-pas du point de vue des intérêts de la Turquie dans sa politique extérieure”, estime Didier Billion.

Dans son dernier rapport sur l’état des négociations avec les pays candidats à l’UE, publié en novembre, la Commission européenne avait constaté que “la politique étrangère unilatérale de la Turquie reste en contradiction avec les priorités de l’UE”.

“Nous attendons un nouveau ton et des signes de réengagement de la part de la Turquie”, a indiqué Nacho Sanchez Amor alors que l’UE cherche à discuter avec Ankara de la meilleure façon d’empêcher la Russie de contourner les sanctions décidées par les Occidentaux.

Au-delà du nécessaire rééquilibrage de la diplomatie turque, la question économique joue aussi un rôle dans ce rapprochement, en particulier pour la Turquie, engluée dans une profonde crise. Ankara a désespérément besoin d’investissements occidentaux pour soutenir son économie. Selon Recep Tayyip Erdogan, l’heure est désormais à l’ouverture d’un “nouveau chapitre” avec la Grèce. Il promet un partenariat “gagnant-gagnant”.

“Depuis des décennies, la Grèce est un élément problématique pour la Turquie dans ses relations avec l’UE. Or, Erdogan a une volonté de réactiver les liens avec certains pays européens qui ont été très dégradés, notamment avec la France. Il a donc tout intérêt à fluidifier ses relations avec la Grèce”, rappelle Didier Billion. “Cependant, il faut rester prudent. L’accalmie actuelle ne préjuge pas qu’il n’y aura pas de nouvelles périodes de tensions”, prévient l’expert.

france24

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