Les relations entre l’UE et la Chine se trouvent à la “croisée des chemins” en raison des tensions politiques croissantes et des nombreux différends économiques non résolus, prévient le vice-président de la Commission européenne.
“Nous pouvons choisir la voie de relations mutuellement bénéfiques, fondées sur un commerce et des investissements ouverts et équitables, et travailler main dans la main pour relever les grands défis de notre temps. Ou nous pouvons choisir une voie qui nous éloigne lentement, où les avantages partagés dont nous avons bénéficié au cours des dernières décennies s’affaiblissent et s’estompent“, a précisé lundi le vice-président de la Commission européenne dans un discours critique prononcé à l’université Tsinghua à Pékin.
“Nous devons reconnaître que, dans un nouveau contexte mondial difficile, l’UE et la Chine sont toutes deux confrontées à des vents contraires politiques et économiques importants, et que certains de ces vents contraires pourraient nous éloigner l’une de l’autre“.
L’avertissement sévère de Valdis Dombrovskis s’inscrit dans un déplacement de quatre jours en Chine, au cours duquel le vice-président a rencontré plusieurs représentants du gouvernement chinois afin d’aborder une longue liste de points de friction qui ont tendu les relations avec l’Union européenne.
Le principal d’entre eux est la guerre de Moscou contre Kyiv.
“L’intégrité territoriale a toujours été un principe clé pour la Chine dans la diplomatie internationale. Il est donc très difficile pour nous de comprendre la position de la Chine sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine, car elle enfreint les principes fondamentaux de la Chine“.
Le vice-président juge que les nombreuses répercussions de l’invasion, telles que la perturbation des chaînes d’approvisionnement, l’insécurité alimentaire, les prix élevés de l’énergie et l’inflation record, constituaient un “désastre” pour l’Europe, ainsi que pour la Chine et son industrie orientée vers l’exportation.
Valdis Dombrovskis prévient que la position délibérément vague de la Chine sur la guerre, que l’UE considère comme pro-russe, comportait un “risque de réputation” et affectait déjà “l’image du pays, non seulement auprès des consommateurs européens, mais aussi des entreprises“.
Tout au long de son discours, le vice-président de la Commission en charge du Commerce a tenté de transmettre la frustration et l’exaspération des entreprises européennes qui opèrent sur le marché chinois et luttent contre divers obstacles dans leurs transactions quotidiennes, tels que l’inégalité d’accès aux marchés publics, les normes discriminatoires et un manque généralisé de transparence et de réciprocité.
“Les entreprises européennes s’inquiètent de la direction prise par la Chine et nombre d’entre elles remettent en question leur position dans le pays. Elles se demandent si ce qu’elles considéraient comme une relation gagnant-gagnant au cours des dernières décennies pourrait devenir une dynamique perdant-perdant dans les années à venir“, constate-t-il.
“Le gouvernement chinois a créé un environnement commercial plus politisé en élargissant sa panoplie d’outils pour protéger la sécurité nationale et les intérêts de développement“.
Valids Dombrovskis a critiqué une récente mise à jour de la loi chinoise contre l’espionnage, qui confère à Pékin des pouvoirs punitifs plus étendus et “laisse trop de place à l’interprétation” pour réprimer les activités considérées comme une menace pour la sécurité nationale. La possibilité de poursuites judiciaires mine “considérablement” la confiance des entreprises et fait fuir les investissements.
“C’est exactement ce que j’entends par un résultat perdant-perdant“, résume le responsable letton.
Toute cette discorde et cette animosité accumulées, associées à un déficit commercial croissant qui a atteint 396 milliards d’euros l’année dernière en faveur de la Chine, ont “forcé l’Europe à s’affirmer davantage” et à adopter une stratégie de “réduction des risques” afin d’éviter les dépendances néfastes.
Néanmoins, ajoute-t-il, l’Union européenne reste disposée à s’engager et à trouver des solutions constructives.
“Le monde a besoin de la Chine, mais la Chine a aussi besoin du monde“.
Les relations entre l’UE et la Chine se sont fortement dégradées ces dernières années en raison de la pandémie de Covid-19, de la répression des Ouïghours au Xinjiang, de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, des tensions persistantes dans le détroit de Taïwan et des restrictions commerciales à répétition dans les domaines des semi-conducteurset des matières premières essentielles.
La tension s’est encore accrue ce mois-ci après l’annonce par la Commission européenne d’une enquête officielle sur les voitures électriques fabriquées en Chine. L’institution soupçonne les produits chinois d’être artificiellement moins chers que leurs concurrents européens en raison des subventions publiques massives injectées par Pékin.
L’enquête, que la Chine dénonce comme du “protectionnisme à l’état pur“, pourrait conduire à l’imposition de droits de douane supplémentaires sur les voitures électriques chinoises afin de compenser l’avantage injuste conféré par les subventions.
Valdis Dombrovskis a rejeté les accusations de Pékin et a souligné que l’enquête serait menée “avec diligence” et “en consultation” avec les autorités chinoises et les constructeurs automobiles.
“L’UE ne peut pas se permettre de ne pas être protégée lorsque notre ouverture est malmenée ou lorsque notre sécurité nationale est en jeu“, assure le vice-président.
“La concurrence doit être loyale et nous nous montrerons plus fermes dans la lutte contre les pratiques déloyales“.