En Slovaquie, l’ancien Premier ministre Robert Fico a remporté les élections législatives, selon le décompte de la quasi-totalité des voix mis à jour dimanche 1er octobre. Son parti compte non seulement mettre fin à l’aide militaire à l’Ukraine, mais s’est aussi démarqué par ses critiques envers l’Union européenne (UE) et l’Otan.
Le parti Smer-SD, dirigé par l’ancien Premier ministre Robert Fico a obtenu 23 % des voix lors du scrutin de samedi, devant le parti centriste Slovaquie Progressiste qui a recueilli 18 % des voix. Les populistes ont donc besoin de partenaires de coalition pour parvenir à une majorité et former le gouvernement.
“La Slovaquie et ses habitants ont des problèmes plus importants que (les relations avec) l’Ukraine”, a déclaré Robert Fico aux journalistes dimanche. Il a ajouté que l’Ukraine constituait “une énorme tragédie pour tous” et a appelé à des pourparlers de paix, car “de nouvelles tueries n’aideront personne”.
“C’est une nette victoire pour le parti de Robert Fico”
La présidente slovaque, Zuzana Caputova, a déclaré qu’elle demanderait officiellement au Smer-SD de former un nouveau gouvernement lundi. “Dans l’esprit de notre tradition constitutionnelle, je confierai demain la formation du gouvernement au vainqueur des élections”, a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Cette ancienne députée de la Slovaquie progressiste et rivale politique de Robert Fico avait pourtant critiqué ce dernier en début de semaine, affirmant que “certains pensent que la paix peut être obtenue en cessant toute aide à l’Ukraine, et c’est là que je ne suis pas d’accord”.
Un allié pour Viktor Orban ?
Selon les analystes, un gouvernement Fico pourrait radicalement changer la politique étrangère de la Slovaquie pour ressembler à celle du Premier ministre hongrois, Viktor Orban. Robert Fico a juré que la Slovaquie n’enverrait pas “une seule balle de munition” à l’Ukraine et a appelé à de meilleures relations avec la Russie.
La Hongrie est considérée comme un fauteur de troubles au sein de l’UE, souvent critiquée pour des questions d’État de droit et pour avoir entravé les efforts de l’UE et de l’Otan en vue d’aider l’Ukraine.
“Robert Fico est un nouvel allié pour M. Orban”, a estimé à l’AFP l’analyste Tomas Koziak, de l’Université tchèque des sciences politiques. Le Premier ministre hongrois a lui-même félicité Robert Fico sur X, anciennement Twitter, “pour sa victoire incontestable aux élections législatives slovaques”. “Il est toujours bon de travailler avec un patriote. J’ai hâte d’y être !” a souligné Viktor Orban.
Toutefois, Robert Fico a déclaré que l’orientation de la politique étrangère de la Slovaquie ne changerait pas, car “nous sommes naturellement membres de l’UE”. “Cela ne signifie évidemment pas que je ne peux pas critiquer les choses qui me déplaisent au sein de l’UE”, a-t-il précisé.
“Les gens en ont assez” d’un gouvernement qui “querelle” et est “incapable de gérer le pays”
Cependant, de nombreux Slovaques sont moins préoccupés par la politique étrangère, dans l’espoir que le nouveau gouvernement se concentrera sur l’économie et se disputera moins que le précédent.
Vendant des petits pains dans une boulangerie de Bratislava, Jana Urbanova a déclaré à l’AFP qu’elle s’attendait à ce que le gouvernement s’attaque à l’inflation “insupportable”. “Fico a de l’expérience, c’est un professionnel, n’est-ce pas ? Je n’ai pas voté pour lui mais je ne pense pas que ce soit grave qu’il ait gagné”, a-t-elle déclaré.
Tomas Hrivnak, 23 ans, déclare qu’il avait voté pour la PS et qu’il était “déçu”, mais que le résultat n’était “pas la fin du monde”. “Les gens en ont assez de l’ancien gouvernement composé de centristes et de droite, de leurs querelles et de leur incapacité à gérer correctement le pays”, a-t-il estimé.
Mais une autre électrice de PS, Eva Lichnerova, reste inquiète. “La plus grande menace c’est le dos tourné à l’Union européenne, le glissement vers la Russie, la suppression des droits et des libertés des journalistes”, dit-elle.
La campagne de Robert Fico a été marquée profondément par une rhétorique à l’encontre de la communauté LGBTQ+ et des migrants, ce qui a suscité l’inquiétude des organisations non gouvernementales.
Aide à l’Ukraine
Le Smer a remporté 42 sièges sur les 150 que compte le Parlement et a donc besoin de partenaires de coalition pour obtenir la majorité.
Hlas-SD, qui a émergé en 2020 d’une scission d’avec le Smer, est un partenaire potentiel avec 27 sièges. Son président, Peter Pellegrini, a occupé le poste de Premier ministre en 2018 après la démission de Robert Fico, au milieu de grandes manifestations après le meurtre du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée, Martina Kusnirova.
Jan Kuciak avait découvert des liens entre la mafia italienne et le gouvernement de Robert Fico, dans son dernier article, publié à titre posthume.
Selon Peter Pellegrini, la présence de deux anciens Premiers ministres au sein d’un même gouvernement n’est pas une bonne idée, mais cela ne signifie pas qu’une telle coalition est impossible.
Les deux partis pourraient faire équipe avec le parti nationaliste slovaque (SNS), qui a remporté 10 sièges, pour obtenir une majorité parlementaire de 79 sièges. Robert Fico a déjà gouverné à deux reprises avec le SNS, qui est comme lui opposé à l’aide militaire à l’Ukraine.
La Slovaquie compte parmi les principaux donateurs européens à l’Ukraine, compte tenu de la taille de son économie.
Montée de la désinformation
Le prochain Parlement comprendra également le parti centriste OLaNO de l’ancien Premier ministre Igor Matovic, qui s’est battu avec un membre du Smer pendant la campagne électorale.
Les chrétiens-démocrates centristes et la droite du SaS ont aussi obtenu suffisamment de voix pour avoir des sièges au Parlement.
La campagne électorale a été ternie par des taux particulièrement élevés de désinformation en ligne, visant souvent le président de la Slovaquie progressiste Michal Simecka, vice-président du Parlement européen.
La Slovaquie est devenue indépendante en 1993, à la suite d’une séparation pacifique avec la République tchèque, soit quatre ans après la fin du régime communiste en Tchécoslovaquie. Il avait duré quatre décennies.